article de presse sur le journal du centre Pour ou contre le retour du loup dans la Nièvre ?
À l’instar de ce que l’on peut observer au parc animalier des monts de Guéret (Creuse), ce grand prédateur se déplace en meute, mais d’une poignée de cinq à six loups. - Michèle DELPY À l’instar de ce que l’on peut observer au parc animalier des monts de Guéret (Creuse), ce grand prédateur se déplace en meute, mais d’une poignée de cinq à six loups. - Michèle DELPY CONTRE. Pierre Broin, ancien chevrier dans la Drôme, porte-parole d'associations d'éleveurs et de bergers. - Pierre Peyret POUR. Sylvie Cardona, AVES France. - Frédéric LONJON
Sylvie Cardona, bénévole à Aves France, anticipe le retour prochain du loup dans la Nièvre et prépare la population face à ce qu’elle décrit comme « un gros chien ». Pierre Broin, lui, est le porte-parole de plusieurs associations de bergers et éleveurs. Depuis vingt ans, dans le Mercantour, les éleveurs luttent contre ce qu’ils qualifient de « fléau ». Deux visions s’opposent.
Contre : Pierre Broin, ancien chevrier Ancien chevrier dans la Drôme, Pierre Broin est aujourd’hui retraité. Il est le porte-parole d’associations d’éleveurs et de bergers dans les régions impactées par le loup.
Concrètement, il n’est pas « farouchement opposé » à la présence du loup. « J’ai compris, en comparant les arguments des défenseurs du loup et la réalité du terrain, que le problème n’était pas d’être “pour ou contre”. Le problème, c’est la survie de l’élevage traditionnel face au lobby du tout sauvage. »
« Les protecteurs du loup disent qu’avec une importante faune sauvage, on minimise les attaques. Des études de terrains montrent que les territoires où les troupeaux subissent le plus de pertes sont aussi parmi les plus giboyeux de France. »
Il a vu les éleveurs s’organiser. « Cela fait vingt-deux ans qu’ils mobilisent de plus en plus tous les moyens de protection possibles et inimaginables. Pourtant, cela fait plus de vingt ans que la situation s’aggrave, alors que leur expérience s’approfondit saison après saison. » Chiffres à l’appui, il évoque « près de 2.000 attaques reconnues de loup dans les Alpes en 2015, alors qu’officiellement, le massif compte plus de 2.000 chiens de protections ».
Les parcs de nuit, préconisés comme moyens de protection, posent des problèmes. « On piétine la pelouse par les allers-retours qui nuisent à la flore, le fumier s’accumule, polluant les nappes phréatiques et causant des problèmes sanitaires. »
Des moyens de protection inopérants D’autres moyens d’effarouchement sont proposés par les défenseurs du loup, à l’instar des Foxlight. Ces lumières qui, à la nuit tombée, clignotent aléatoirement, sont censées repousser les loups. « Dans les Vosges, la DDT a fait installer ce dispositif chez un éleveur. Les loups ont mis dix jours pour comprendre qu’ils ne risquaient rien. En réalité, les protections qu’on nous oblige à installer servent à préserver le loup et à donner l’image d’éleveurs incapables de protéger le troupeau », souligne-t-il.
« Dans la Nièvre où l’élevage bovin est prédominant, il est à craindre que le loup se spécialise dans le bœuf, à l’instar des pays qui ont abandonné l’élevage ovin suite aux prédations. Cela posera une difficulté inédite, car, à part les moutons et les chèvres, les autres élevages ne sont pas éligibles aux aides de l’État. »
Pour : Sylvie Cardona, Aves France Vice-présidente de l’association de protection des espaces menacées Aves France, Sylvie Cardona a récemment animé, à Decize, une rencontre-débat autour de l’éventuel retour du loup dans la Nièvre.
« Déjà aperçu après avoir traversé une ou deux fois la Saône-et-Loire et le nord du Morvan, ce n’est pas improbable qu’il finisse par s’y arrêter. À défaut, compte tenu de nos forêts de résineux moins favorables, le loup, espèce protégée, y passera de plus en plus », explique-t-elle.
Un retour qui s’effectue « naturellement. Il n’a pas été réintroduit. Il a franchi la frontière italienne. Aujourd’hui, les chiffres du ministère font état de 270 loups, sur les 12.000 recensés en Europe. »
Un retour et une présence naturels À l’instar de son retour, sa présence est, selon elle, naturelle. « Il a le même intérêt que n’importe quelle autre espèce animale. Ni plus ni moins. Il est au sommet de la chaîne alimentaire. C’est un prédateur. Il va réguler les ongulés sauvages. Dans le monde forestier, à quelques exceptions près, les forestiers lui sont favorables, car ils mettent une pression sur les cerfs, les chevreuils. » Cependant, elle reconnaît qu’il lui arrive de se tourner vers des proies plus faciles comme les troupeaux de moutons.
Elle tient à le signaler : « Non, les éleveurs ne sont pas désarmés. On ne nie pas que cela représente une charge supplémentaire. Il faut savoir que tel moyen de protection va marcher sur un élevage et un autre non. Cependant, il faut que les éleveurs aient l’honnêteté de dire que les attaques de loup ne représentent qu’une infirme partie du problème quant au nombre total de moutons qui décèdent. Ils ont difficilement accepté leur retour ».
Plus que cela, et d’où l’organisation de cette première conférence, « la question est de savoir ce que l’on veut ou pas », rappelant le principe de naturalité « qui veut que l’on n’ait pas à intervenir ».
Cela passe, selon elle, par l’éducation. « Il y aurait moins de craintes s’il y avait plus d’éducation. Il est important de vouloir cette cohabitation. Pour l’accepter, il faut de la connaissance. Le loup fait partie de notre patrimoine commun. On doit apprendre à cohabiter. On n’aura pas à choisir “loup ou mouton” », estime Sylvie Cardona. D’autant que « la présence du loup ou non est un bon indicateur d’une bonne et belle biodiversité ».
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