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Morlaix ville Sanglier. Un chasseur sachant chasser...
Spécialisés dans les nuisibles, notamment les sangliers, les « chasseurs privés » suscitent la controverse. Accusés de braconnage, ils sont pourtant de plus en plus prisés par les agriculteurs qui apprécient leur réactivité. Et leur efficacité.
« Un coup de fil et ils arrivent à quatre ou cinq ». S'il préfère ne pas divulguer son identité, cet agriculteur trégorrois ne s'en cache pas : il fait régulièrement appel, « gratuitement », dit-il, à Jean-Paul Le Bars et son équipe de chasseurs pour éliminer les nuisibles qui saccagent ses terres. Dans son viseur, les sangliers, plus souvent appelés les « cochons » dans le milieu. « Ils s'attaquent essentiellement au maïs. Quand ils arrivent en troupeaux, ils peuvent nettoyer un champ en une nuit. Comme d'autres propriétaires terriens, je suis fatigué de voir mes cultures massacrées ».
« Plus efficaces que les chasseurs traditionnels »
Alors, pour y remédier, il a mis ses terres à la disposition de « chasseurs privés » depuis quelques années. « Car ils sont plus efficaces que les sociétaires traditionnels », n'hésite pas à affirmer l'agriculteur. « Et aussi plus réactifs. Ce qui est primordial car on ne peut pas attendre d'avoir deux ou trois hectares détruits pour nous défendre. Avec les assurances, c'est la croix et la bannière ». « Avant, presque tous les agriculteurs étaient chasseurs. Aujourd'hui, seuls 4 ou 5 % le sont. Ce sont davantage des chefs d'entreprises. Et pour eux, peu importe qui vient chasser sur leurs terres, pourvu que le résultat soit là, qu'ils soient débarrassés des nuisibles », analyse Pierre Ménez, président de la Fédération des chasseurs du Finistère.
Un demi-sanglier sur la table du restaurant !
Pour autant, ce dernier ne cautionne pas certains modes de chasse. « Pratiquer cinq jours par semaine, c'est abusif. Et c'est inquiétant pour l'avenir de la faune. Ça doit rester un loisir et non une profession. Or, certains font du braconnage industriel et ne vivent que de ça en vendant leur gibier. Ce qui est totalement interdit ». « Le sanglier, c'est invendable. Même les chiens n'en veulent pas », rétorque notre agriculteur. Un point de vue qui n'est pas partagé par ce cuistot de la région de Morlaix. « La vente de gibier en direct du chasseur au restaurateur, bien sûr que ça existe. Une fois, j'ai même vu un demi-sanglier arriver sur la table ! Mais ça ne se négociait pas très cher. Je ne suis pas sûr qu'un chasseur puisse vivre uniquement de ça ».
La tension est vive les gendarmes arrivent...
Dans les sociétés trégorroises aussi, on tire à boulets rouges sur ceux qui sont assimilés à des braconniers. La colère de ces chasseurs conventionnels a éclaté, il y a quinze jours, lors d'une réunion à Plouégat-Guérand, à la suite d'un incident entre le président de la société locale et le Morlaisien Jean-Paul Le Bars accusé d'opérer sur des terres ne lui appartenant pas (Le Télégramme du 20janvier). La gendarmerie était intervenue sur place. Mais aucune procédure n'a été ouverte. Reste qu'aujourd'hui, la tension est vive entre ces deux clans, qui n'ont pas la même philosophie. Tout le monde semble, néanmoins, s'accorder sur un point :le nombre de « chasseurs privés » va continuer à augmenter dans les années à venir. Ce n'est pas notre agriculteur trégorrois qui s'en plaindra : « Ce n'est pas un hasard si les propriétaires mettent leurs terres à leur disposition ».
Ronan Tanguy
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