Voici ci dessous le contenu de l intervention de Pierre Astie (Vènerie) au colloque de cheverny en 2010
Alimentation Chasse : Bien nourrir nos meutes de chiens
RACE(S) : toutes
Colloque de Cheverny, le 16 avril 2010 A l’occasion de l’assemblée générale de l’AFEV, qui réunissait environ la moitié des maîtres d’équipage, ont été présentées deux conférences sur l’alimentation de nos meutes : l’une relative aux adultes en action de chasse par le Docteur vétérinaire Yaguiyan-Colliard, spécialiste de la nutrition animale, enseignante à l’école vétérinaire d’Alfort, l’autre portant sur les lices par le Docteur vétérinaire Christian Dumont, membre de l’Académie de médecine vétérinaire.
Douze ans après Champchevrier, où nous avions pour la première fois abordé ce thème, il était utile d’y revenir. D’une part les équipages ont de plus en plus de difficultés pour s’approvisionner de manière régulière et à coût constant en aliments ménagers (viande rouge, carcasses de volailles, légumes), d’autre part des études scientifiques tout à fait fiables ont été récemment réalisées sur l’alimentation canine.
Situation actuelle
En préalable à cette réunion, il était intéressant d’avoir quelques données sur la situation actuelle. Pour cela une enquête a été réalisée auprès des équipages, dont on peut tirer les conclusions suivantes : dans la très grande majorité, les équipages nourrissent convenablement leurs chiens dans la mesure où ils emploient une nourriture mixte (viande + céréales), donnée sous la forme d’une soupe cuite et le plus souvent complétée par des aliments industriels (granulés, flocons). Quelques rares équipages optent pour la formule exclusive de l’aliment industriel. Sur les questions relatives au coût, peu d’équipages ont répondu soit par ignorance soit par méfiance : il est vrai que sur ce point les comparaisons sont difficiles à faire, chacun ayant ses propres solutions pour s’approvisionner au moindre coût.
II ne peut être question dans le cadre de la Revue de reprendre le contenu de ces interventions qui a été adressé à chaque maître d’équipage. Néanmoins, il nous semble intéressant pour tout veneur de connaître quelques principes de base sur l’alimentation des meutes, principes qui ont été soulignés avec insistance par les conférenciers.
Alimentation des chiens chassant, par le docteur vétérinaire YAGUIYAN-COLLIARD
Concernant la nutrition des chiens chassant, trois règles sont essentielles.
La première est relative à la qualité des aliments : celle-ci doit être irréprochable ; en conséquence il faut éliminer tout aliment avariés soit du fait des mauvaises conditions de transport ou d’une mauvaise conservation (1). Donner une telle nourriture risque d’avoir des conséquences plus ou moins graves, notamment des diarrhées affaiblissant les chiens voire des intoxications mortelles. Un chien de meute ne doit pas manger n’importe quoi.
Deuxième règle pour qu’un chien de vènerie soit performant il doit avoir une nourriture équilibrée, c’est-à-dire comprenant tous les éléments adéquats pour lui permettre de courir pendant 3 à 5 heures deux fois par semaine. Cette performance recouvre à la fois des efforts physiques d’endurance mais aussi de rapidité ; nos chiens doivent être à la fois des sprinters et des marathoniens.
Qualitativement, la ration d’un chien de travail pour être pleinement efficace doit obligatoirement comprendre les trois éléments suivants : des protéines, des matières grasses, des fibres.
des protéines (acides aminés) : ils sont fournis par la viande crue ou légèrement cuite, le poisson cuit, les œufs cuits, le lait (si les chiens le supportent), le fromage.
des matières grasses (lipides) ils sont fournis par les graisses animales (bovins, volailles) et végétales (soja, maïs). Il faut éviter les graisses rances ou cuites.
des fibres : elles sont présentes dans les végétaux (légumes carottes, salades, poireaux,... ; évitez les oignons, les choux et les navets ; le son en petite quantité; le maïs, les pulpes de betterave). Bien qu’elles n’aient aucun pouvoir nutritif direct, elles sont très importantes elles facilitent le transit intestinal, participent à la protection de la paroi intestinale et à la lutte contre les bactéries responsables de diarrhées. Toutefois, une part excessive de fibres dans l’alimentation détériore rapidement la digestibilité totale d’un aliment.
En outre, et exclusivement si cela est nécessaire, il peut être fait un apport complémentaire de minéraux et de vitamines :
des minéraux (calcium, phosphore, sodium, potassium, magnésium, fer, cuivre...) : ils permettent de compenser des déminéralisations osseuses.
Les besoins en minéraux, essentiellement calcium, concernent surtout les chiots en croissance. Un chien adulte en bonne santé a, sauf exception, peu de besoin en minéraux ceux-ci lui sont normalement procurés par l’alimentation équilibrée telle que décrite ci-dessus ; à noter toutefois que la viande apporte très peu de calcium. Cet apport, s’il est nécessaire, peut être fait par des farines d’os ou des compléments minéraux, mais toujours en quantité modérée, les chiens de grandes races étant très sensibles aux excès calciques.
des vitamines : une vitamine est une substance organique, sans valeur énergétique propre mais nécessaire à l’organisme. Normalement, elle est fournie par une ration journalière équilibrée (céréales, poisson). En cas d’insuffisance, on peut ajouter à cette ration de la levure, des produits laitiers, de l’huile de foie de poisson, de l’huile de colza, des œufs (prévention de la pathologie musculaire provoquée par l’effort et du vieillissement).
Il n’est certes pas toujours facile pour un maître d’équipage de savoir si cet équilibre est atteint, car il varie en fonction de la qualité des divers ingrédients ménagers utilisés. Une chose est néanmoins certaine : ne pas réaliser une ration comprenant ces trois éléments est mal nourrir sa meute donc avoir des chiens peu performants, plus sensibles aux épidémies et maladies et vieillissant mal. La solution la plus sûre est l’utilisation d’aliments industriels secs adaptés selon les périodes de chasse ou de non chasse :
En période de chasse: Composition : Taux de protéines brut : 25 à 30% Taux de matières grasses brut: 15 à 20% Cendres : inférieur ou = à 10% de la ration (sans autre apport) : Grand chien (40kg) : 500 à 600 gr/j/chien Chien moyen : 300gr/j/chien
Hors période de chasse : Composition: Taux de protéines brut : 20 à 25% Taux de matières grasses brut : 10 à 15 % Cendres : inférieur ou = à 10% Ration (sans autre apport): Grand chien (40kg) : 300 à 400 gr/j/chien Chien moyen : 200gr/j/chien.
Si, jusqu’il y a encore peu de temps, les maîtres d’équipage et les piqueurs étaient méfiants vis-à-vis des granulés et croquettes qu’ils estimaient être inadaptés à la nourriture de chiens courants, l’expérience de certains montre aujourd’hui que cet argument est erroné. Il est vrai que des progrès importants ont été faits dans la fabrication de ces produits.
La troisième règle est que cette alimentation doit toujours s’accompagner d’un abreuvement : l’eau est le principal nutriment indispensable à la survie d’un être vivant. Un chien doit boire, selon son poids, entre 1 et 4 litres d’eau quotidiennement. Aussi, il est indispensable de laisser les chiens boire à volonté une eau potable (2), toujours propre et claire et de préférence en permanence(3).
A ces conseils sur le contenu de l’alimentation, la conférencière a ajouté, en y attachant beaucoup d’importance, les recommandations suivantes : il faut nourrir les chiens chaque jour, de préférence en deux repas, aux mêmes heures et dans le même lieu. Les faire jeûner une journée par semaine leur est nocif. Le jour de chasse, il faut nourrir 3 h avant le rendez-vous, en faible quantité et si possible avec un aliment sec à forte valeur énergétique ; de même dans la demi-heure suivant le laisser courre, il faut nourrir un peu (c’est le cas s’il y a curée ; à défaut, il faut donner une petite ration d’aliment sec). Ce casse-croûte n’exclut pas le repas du soir, mais il permet aux chiens de récupérer immédiatement de l‘effort fourni (c’est bien ce que font les veneurs en ouvrant leur panier dès la fin de la chasse).
Dans un autre domaine, il est recommandé de sortir les chiens toute l’année pour les faire courir ; la journée de chasse, de les échauffer 15 à 20 minutes avant l’attaque et, après la chasse, de les faire marcher un moment avant de les remonter dans un véhicule.
L'alimentation des lices et des chiots par le docteur vétérinaire Christian DUMONT
Alimentation de l'élevage
La réussite de l’élevage est la condition d’avoir parla suite des chiens de qualité.
Les exigences nutritionnelles de la lice
Les femelles reproductrices doivent faire l’objet des plus grands soins : « machines à reproduire », elles doivent être en parfaite santé, ni trop grasses ni trop maigres et maintenues en superbe état tout le temps de leur maternité. La période d’œstrus n’entraîne pas d’exigences nutritionnelles particulières, tant au plus faut-il surveiller que la chienne n’ait pas de perte d’appétit et continue de manger normalement. Pendant les cinq premières semaines de la gestation, il n’est pas non plus nécessaire de modifier l’alimentation. C’est à partir de la 6 semaine qu’il faut progressivement d’une part augmenter quantitativement l’alimentation (d’environ de 10% par semaine), d’autre part passer à un aliment de lactation. Nourrir les reproductrices avec des carcasses de poulet crues, broyées ou non, cumule les risques de déséquilibre minéral (excès calcique), de parasitisme, d’affections bactériennes.
Après la mise bas, la lactation provoque un accroissement considérable des besoins nutritionnels de la mère du fait qu’elle doit produire un lait de qualité (riche en calcium, énergie et protéines). Aucune alimentation classique (viande, carcasses, déchets ménagers) ne répond à elle seule à ces besoins ; aussi il est vivement conseillé d’utiliser des aliments industriels secs hyper énergétiques, satisfaisant à la fois les besoins d’entretien et de lactation. Il est aussi recommandé de fractionner ces apports en trois repas ou plus.
Si une lice perd environ 10% de son poids pendant cette période, elle doit normalement les récupérer dans le mois qui suit le sevrage des chiots.
Les exigences nutritionnelles des chiots
Les chiots sous la lice
Dès leur naissance, les chiots doivent téter le colostrum. Le colostrum, première sécrétion lactée de la chienne, n’a rien à voir avec un simple lait et joue un rôle clé dans la vie des nouveau-nés. Outre un apport énergétique conséquent, sa prise va apporter aux chiots l’essentiel de leurs moyens de protection contre les microbes (virus, bactéries) du milieu dans lequel ils vivent. Sans colostrum, les petits sont plus fragiles et tombent plus facilement malades. De couleur généralement jaune, il est la première des sécrétions de la glande mammaire après la naissance. Son rôle majeur est d’apporter au chiot son premier système immunitaire. Le chiot nouveau-né est en effet un individu immature, chez lequel ce système n’est pas encore pleinement opérationnel. Cette immunité, qui est bien évidemment primordiale pour lutter contre les microbes du milieu, est transférée de façon «passive» lors de la prise colostrale. Celui-ci est en effet très riche en immunoglobulines qui viennent de la mère. Celles-ci sont spécifiques des agents pathogènes contre lesquels la mère est vaccinée et de ceux qu’elle a rencontrés au cours de sa vie. Il est donc impératif pour un chiot nouveau-né d’avoir accès à la mamelle dans les 24 h et au mieux dans ses 8 premières heures. Pour avoir un colostrum de bonne qualité, il est indispensable de vacciner régulièrement les mères, afin de permettre un transfert optimal de l’immunité colostrale.
Dès l’âge de 3 semaines, il est possible de donner aux chiots une bouillie dite « de sevrage », favorisant la transition progressive jusqu’au sevrage effectif vers 6 semaines. Un allaitement au-delà trop prolongé peut entraîner des diarrhées de même que l’utilisation du lait de vache.
Les chiots en sevrage
Le sevrage est une opération délicate qui permet de passer lentement du régime lacté à une ration de croissance ; l’alimentation doit s’adapter à l’évolution des capacités digestives du chien. C’est pourquoi, ce changement d’alimentation doit être mené de manière progressive : commencé vers l’âge de 3 semaines pour qu’il s’achève vers 7 à 8 semaines. La lactation est alors complétée par un aliment du commerce (bouillie de sevrage) ou par quelques croquettes maternelles (type croissance/lactation) mixées avec de l’eau tiède ou du lait maternisé. Cet aliment est peu à peu de moins en moins réhydraté pour finir par être présenté tel quel en fin de sevrage.
Les chiots en croissance
Cette période est critique dans la mesure où elle conditionne l’avenir morphologique du chien : c’est le temps où s’élaborent notamment les tissus osseux et musculaires. Une insuffisance alimentaire en protéines ou en calcium risque d’entraver la minéralisation du squelette, affectant gravement la construction de la charpente du chien. Il en est ainsi par exemple d’une distribution excessive de viande non complémentée. Le recours à une alimentation classique, celle de la meute, impose donc une correction minérale systématique de la ration de base sous forme de complément du commerce, de coquilles d’œuf ou de poudre d’os ou de vitamine. L’alimentation d’une ration sèche (produit industriel) en libre-service évitant la concurrence entre les chiots a l’avantage de permettre à tous de se nourrir correctement ; elle ne doit pas cependant conduire à l’obésité. Les chiots ne doivent pas être trop gras ; cela peut nuire par la suite à leur santé. Il faut faire cependant très attention à cet apport complémentaire car un excès énergétique, notamment de compléments calciques, peut entraîner des malformations articulaires et osseuses aussi, lorsqu’on utilise un aliment industriel déjà équilibré, il ne faut surtout pas ajouter un correcteur minéral.
La réussite de l’élevage dépend aussi, pour une large part, du milieu dans lequel a lieu la mise bas et celui dans lequel les jeunes chiens sont élevés.
Conduire une réfléxion
La qualité des deux conférenciers a retenu l’attention des participants pendant près de deux heures. Faute de temps, il a été dommage qu’un débat n’ait pu être engagé, mais le contenu des interventions a apporté les réponses aux questions préalablement posées par écrit.
A chaque équipage il revient de voir maintenant ce qu’il peut en retirer afin de mieux nourrir ses chiens à coût constant, voire inférieur. Pour raisonner justement, il doit être tenu compte non seulement du coût des aliments mais également des frais induits engendrés par l’alimentation actuelle (frais de transport, temps, combustible...) et des inconvénients du système (approvisionnement irrégulier, pas toujours de bonne qualité, aménagement hors norme et nettoyage difficile des locaux,...).
Jusqu’alors, dans la plupart des équipages, la nature de l’alimentation dépendait principalement du critère financier, la moins coûteuse, et de pratiques traditionnelles. Les propos tenus lors de ce colloque conduisent à une remise en cause évidente.
Désormais, il faut tenir compte d'un troisième élément : la valeur nutritionnelle de cette alimentation. Il doit être considéré comme le principal. Des chiens correctement nourris sont plus performants à la chasse, sont en meilleur état sanitaire, plus résistants aux épidémies et maladies (donc moins de frais vétérinaires) et vieillissent mieux. Ils sont aussi meilleurs reproducteurs.
L’alimentation de la meute est un sujet, certes technique, qui concerne avant tout le maître d’équipage et son piqueur mais ses conséquences sur la bonne forme des chiens à la chasse et ses incidences financières sur le budget de l’équipage sont telles que tout veneur doit en être informé et y porter intérêt.
(1) - Relativement aux aliments congelés, il est fortement déconseillé de les faire décongeler à l’extérieur, en plein soleil, pendant 24h. La décongélation doit se faire de manière lente dans un local fermé et indemne de tout insecte et microbe.
(2) - Si on utilise l’eau d’un forage ou d’un puits, il est nécessaire de faire procéder à son analyse. L’eau peut être source de contamination : l’apparition de gastro-entérite, d’hépatite, la présence de parasites intestinaux, ou de signes d’intoxication touchant un, quelques-uns ou de nombreux chiens de l’élevage doit orienter la recherche de la cause vers l’eau de boisson. En effet, elle peut être le vecteur de nombreuses bactéries ou virus.
3) - Afin d’éviter le travail de remplissage des gamelles d’eau, la solution des abreuvoirs automatiquçs est intéressante pour fournir en permanence aux chiens de l’eau propre et fraîche. Il faut vérifier régulièrement leur bon fonctionnement, les nettoyer et aussi les surveiller en période de grand froid : si l’eau est gelée, les chiens ne peuvent plus boire.
Source : Pierre Astié pour Venerie, juin 2010
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